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Minorités religieuses en Europe

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La scolarité des enfants issus de l’immigration musulmane en Belgique

MANÇO Ural

L’intégration et la mobilité sociale de la population musulmane de Belgique, la reconnaissance de cette minorité plurielle par la majorité autochtone seraient certainement bien plus importantes et profondes si, à l’avenir, la situation scolaire de sa jeunesse s’améliorait. Les jeunes musulmans des deux sexes, qui ont en grande partie été à l’école dans leur pays d’accueil, sont, dans l’ensemble, nettement plus diplômés que leurs parents mais leur rapport à la scolarité est encore assez douloureux : le niveau moyen de scolarisation des jeunes musulmans de Belgique est aujourd’hui loin d’avoir atteint celui de la population autochtone.

Des constats. En Belgique francophone, les enfants d’origine étrangère représentent environ 30% des élèves du niveau primaire. Ces derniers se distinguent des écoliers autochtones par leur taux très élevé d’échec : alors qu’environ 20% des enfants belges du niveau primaire ont perdu une année scolaire, un tiers des enfants étrangers sont dans ce cas. Dans l’enseignement secondaire, les jeunes d’origine maghrébine et turque sont concentrés dans l’enseignement technique et professionnel, qui n’a cessé de connaître une érosion de prestige et de débouchés. La population de l’enseignement secondaire technique et professionnel représente 38% de la population scolaire secondaire totale du Royaume. Ce taux est de 47% pour les élèves de nationalité marocaine et de 52% pour les Turcs. Un nombre important d’enfants de culture musulmane se trouve relégué dans l’enseignement spécial, dans une scolarité stigmatisante et sans aucun avenir économique, suite à des décisions parfois hâtives et injustifiées d’autorités scolaires et de responsables de centres PMS. Si dans la population scolaire secondaire totale, 3,5% des élèves fréquentent ce type d’établissements, chez les élèves de nationalité marocaine ce taux est de 6%. Il est de 5,5% en ce qui concerne les élèves de nationalité turque. A la fin de l’instruction publique obligatoire, bon nombre de ces jeunes quittent l’univers scolaire sans avoir acquis une qualification professionnelle. Les jeunes marocains et turcs diplômés de l’enseignement secondaire général, qui veulent s’engager dans les études supérieures ou universitaires, connaissent également un taux d’échec élevé par rapport à la population autochtone.

Une analyse. L’égalité des chances pour accéder à un enseignement de qualité et l’égalité des chances devant l’accès à un diplôme garantissant un avenir socioprofessionnel valorisant ne semblent pas être acquises pour tous en Belgique. Les jeunes d’origine marocaine et turque sont parmi les moins bien lotis dans les systèmes scolaires tant néerlandophone que francophone. Un grand nombre de facteurs contribuent à l’explication de la qualité médiocre de la scolarité des jeunes issus de l’immigration musulmane. Le niveau socioculturel et économique des familles est certainement une cause importante : l’origine rurale, la maîtrise insuffisante des langues du pays (tant chez les parents que chez les enfants), le taux d’analphabétisme élevé et, en corollaire, l’infra-scolarisation d’un très grand nombre de parents de nationalités turque et marocaine ne sont pas des faits étrangers à cette situation déplorable ; tout comme la précarité économique endurée par nombre de familles de l’immigration musulmane. La méconnaissance réciproque entre le milieu scolaire et les familles, ainsi qu’un probable manque d’intérêt quant à la réussite de la scolarité de leurs enfants chez certains parents, participent à l’explication de la situation. Le système scolaire lui-même présente aussi de graves lacunes persistantes dans l’accueil de cette population. En effet, la mauvaise insertion scolaire des jeunes d’origine musulmane peut également s’expliquer en termes de manque de moyens matériels et humains, d’inadéquation des méthodes pédagogiques et des programmes de cours, ainsi qu’en termes d’insuffisance de formation et de motivation professionnelles des enseignants. Certaines recherches ont même mis en évidence les stéréotypes négatifs, concernant la population turque et maghrébine, logés dans les mentalités du corps professoral belge, qui empêchent une meilleure compréhension et collaboration. Des témoignages semblent indiquer, de plus, l’existence de pratiques ouvertement discriminatoires envers les communautés musulmanes dans certains établissements secondaires et centres PMS, tant en Flandre que dans la partie francophone du pays. L’école traduit toujours les différences socioculturelles en inégalités. L’institution scolaire opère une sélection précoce avec pour résultat l’exclusion systématique d’enfants qui ne correspondent pas aux normes en vigueur ; comme si le corps enseignant croyait aux vertus thérapeutiques du redoublement. Les données démontrent qu’en Belgique l’école est plus un lieu d’échec qu’un lieu de réussite pour un nombre important de jeunes issus de l’immigration musulmane.

Mots-clés: Belgique - Musulmans - Education